Laurent SAINT MARTIN et les casinos en ligne
17 novembre 2024
Laurent SAINT MARTIN et les casinos en ligne
Fin de la prohibition des casinos en ligne :
- concertation à Bercy à l’initiative du ministre du Budget
- colloque à Paris : « Mettre le joueur au cœur des réflexions »
PAR
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN
• Sociologue (Université
Lumière, Lyon II)
• Chercheur associé au Centre Max Weber (CMW) UMR 5283 (2016 à 2019)
• Membre suppléant et rapporteur à la Commission Nationale des Sanctions (CNS Paris Bercy) (2013 à 2018)
• Agent de l’Etat Chargé d’étude à l’Autorité de Régulation des Jeux en
Ligne (ARJEL , Paris) (2011 à 2015)
• Observatoire des jeux : Président fondateur de l’Observatoire des jeux ( ODJ) fondé avec Marc Valleur (Directeur du centre Marmottan) et Christian Bucher (psychiatre)
Contact : Jean-pierre.martignoni@univ-lyon2.fr
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NOVEMBRE 2024
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- Quelques jours après avoir annoncé sur Radio J le retrait de l'amendement prévoyant la fin de la prohibition des casinos en ligne (1), le ministre du Budget et des Comptes Publics Laurent SAINT MARTIN a indiqué qu’il lancerait « une consultation » (2) sur ce thème. « Le bras de fer » sur les casino en ligne n’est donc pas terminé, comme l’indique Yann DUVERT dans les Échos (3) Le quotidien économique de référence a - c’est à souligner - consacré sa une à ce dossier il y a peu (4)
- Cette concertation annoncée avec les professionnels du secteur apparait pertinente, même si nous pouvons dès à présent regretter :
- que les millions de joueurs concernés ne seront pas consultés et que cette réforme nécessaire se fera certainement dans leur dos. Déficit démocratique récurrent en matière de politique des jeux, que nous condamnons depuis longtemps
- que la doxa du jeu pathologie maladie, les addictologues et tous ceux qui prônent une politique des jeux liberticide et sanitaire - Autorité Nationale des jeux (ANJ) en tête - seront certainement surreprésentés dans cette concertation
- Cette consultation s’est finalement déroulée le 6 novembre (note 5 et annexe 1 ) avec les acteurs économiques du secteur : Casinos de France (CDF), Association des Casinos Indépendants Français (ACIF), PMU, France Galop, Trotteur français, Association française des jeux en ligne (AFJEL), Association des maires de France (AMF). Mais aussi avec tous ceux qui associent les jeux d’argent à une drogue. Outre l’ANJ (qui a deux addictologues au sein de son collège) on trouvait :
- l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT)
- Addictions France
- la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)
- la Fédération Addictions
Il est contestable que ces organisations loin d’être neutres - qui ont tout intérêt à définir les jeux de hasard comme une addiction (car avant de soigner les malades il faut vendre la maladie) ; à pathologiser les passions des Français, notamment leurs passions ludiques - soient omniprésentes dans ce genre de réunion. Les jeux de hasard et d’argent apparaissent comme un fait social & culturel, avant d’être un problème de santé publique. Rappelons que la France compte d’après Isabelle FAULQUE PIERROTIN ( Présidente de l’ANJ) 70 000 interdits de jeu pour plus 30 millions de joueurs. Bien protégés ces joueurs « problématiques » voient en outre leur interdiction reconduite par tacite reconduction au bout de trois ans s’ils ne se manifestent pas. Signalons au passage la probabilité que certains jouent néanmoins sur des sites illégaux. Nouvel argument qui devrait convaincre la patronne de l’ANJ de militer en faveur d’une légalisation des casinos en ligne pour mieux protéger les interdits de jeu. Elle fait tout le contraire !
- Face à ces lobbys très actifs d’addictologues ( peu ou prou responsables par ailleurs de la politique menée en matière de drogue depuis des années… avec les résultats dramatiques qu’on connaît ! fiasco qui devrait faire réfléchir les politiques ) certaines voix se font entendre. Citons par exemple le prochain colloque de l'Association française des jeux en ligne (qui se déroulera à Paris le 19 novembre) Cette manifestation comporte (dans son titre principal et ses différents tables rondes) des orientations* et des interrogations** pertinentes ( politiquement, sociologiquement…) susceptibles de définir enfin, une politique des jeux nationale (lucide, responsable et respectueuse des Français joueurs) et se situant aux antipodes de la politique (sanitaire, mortifère et pour tout dire suicidaire ….) prônée par l’ANJ, la doxa du jeu pathologie maladie, certaines associations moralistes anti jeu et autres fédérations addiction =
- * jeux d’argent : mettre le joueur au cœur des réflexions
- ** le jeu est-il créateur d’un lien social ?
- Dans ce contexte, et après une intewiew donnée à l’ Agence Option Finance (AOF) (6) (confer annexe 1 l’intégralité de l’entretien) qui synthétisait notre analyse, il nous paraît utile de souligner à nouveau (7) les principaux points qui militent en faveur d’une légalisation des jeux de casinos ( roulette, dés, black jack…) et des machines à sous sur internet, ( confer PARTIE A ) car ces arguments objectifs ont du mal à se faire entendre, face à la furia alarmiste, propagandiste & contradictoire, des opposants à cette légalisation, reprise pro domo par les médias qui ont perdu tout sens critique.
- Parallèlement le gouvernement, qui avait dans un premier temps renoncé « à son projet d’augmenter les cotisations sociales payées par les entreprises de loteries et autres jeux d’argent » (8) pour renflouer les caisses de la Sécurité sociale (SS), est revenu sur sa décision. Nous profiterons de cette contribution pour donner le détail de ses nouvelles taxes ( confer PARTIE B) censées rapporter 250 millions à la SS (9).
- Ces augmentations épargneront les loteries de la FDJ ( ce qui peut choquer à juste titre les autres opérateurs) et les Clubs de jeu parisiens … « sur la corde raide » (10) dont l’expérimentation vient d’être prolongé d’un an. Mais elles pénaliseront joueurs et opérateurs, en matière de poker, de paris en ligne. Notamment paris hippiques sur internet dont la filière se mobilise, comme l’indique Sylvain COPIER dans Paris Turf : « Taxation des paris hippiques : les brassards ne suffiront pas : tandis que les professionnels des courses arborent un brassard « halte à la taxe » le gouvernement vient de déposer un amendement pour surtaxer les paris hippiques (11) ( confer annexe 3)
PARTIE A)
Suite à une première annonce du gouvernement indiquant qu’il envisageait de légaliser les casinos en ligne, Isabelle FAULQUE PIERROTIN - sous la domination de la doxa du jeu pathologie maladie, d’associations moralistes anti jeu - a poussé des cris d’orfraie. Les casinos se sont également indignés dans un lobbying alarmiste contreproductif : « cette autorisation va signer notre arrêt de mort » (Grégory RABUEL, le Président du syndicat Casinos de France). Certes nous pouvons comprendre le courroux d’une profession surtaxée, sur réglementée, sur surveillée depuis des années et rarement en odeur de sainteté auprès des pouvoirs publics. Néanmoins la position antinomique des casinos parait intenable. Farouchement contre les casinos en ligne ….. ils sont pour si ce sont eux qui les exploitent !
Si nous dépassons ces visions subjectives, la fin de la prohibition des casinos sur internet apparaît en réalité dans la logique des choses :
- Dans la logique des choses européennes. C’est l’argument massue qui se suffit à lui-même et balaie ipso facto toutes les oppositions voulant maintenir le statu quo prohibitionniste actuel. En Europe, la France reste le seul pays (avec Chypre) à interdire les casinos en ligne. Nos voisins européens ne sont pas plus bêtes que nous et aucune pandémie ludique n’a été signalée dans ces pays, suite à la légalisation des bandits manchots et autres jeux de casinos sur internet.
- Dans la logique de la « modernité » numérique et de l’évolution des comportements de nos concitoyens vis à vis de cette modernité. Que cela plaise ou non, tous les secteurs sont désormais concernés. Par quel miracle rétrograde les jeux de casinos échapperait-ils à cette évolution ? Et puis il y a cette notion de liberté, chère aux Français et au cœur des sociétés démocratiques : laisser aux joueurs majeurs qui le souhaitent, la liberté de jouer aux jeux de casino et notamment aux machines à sous de manière virtuelle. Tous nos concitoyens n’ont pas la possibilité, le temps, les moyens, la mobilité… pour se rendre dans un casino terrestre. Tous les français n’ont pas un casino en dur devant leur porte comme l’indique la géographique d’implantation des établissements de jeu.
- Dans la logique historique du rapport interdiction/marché illégal. Le prohibition a toujours entrainé la création d’un marché parallèle ou les consommateurs - ici les joueurs - se trouvent à la merci d’opérateurs pas très catholiques et parfois franchement mafieux. Ils n’ont aucun recours en cas de litige, tricherie... La France a déjà pris beaucoup de retard en la matière. Les casinos en ligne auraient pu être autorisés dès 2011, comme l’ont été les paris hippiques & sportifs, le poker. Mais différents groupes de pression (associations parisiennes anti jeu, addictologues…) étaient déjà à la manœuvre et ont prohibé en catimini les casinos sur internet avec la complicité de certains hommes politiques, de certains médias et bien entendu sans consulter les Français. Résultat : 3 à 4 Millions de nos concitoyens ont joué sur des casinos illégaux en 2023. Isabelle FAULQUE PIERROTIN le dénonce régulièrement. Elle devrait donc se réjouir de la volonté du gouvernement BARNIER d’assécher ce marché gris , ce qui permettrait de faire de l’information prévention, de protéger si nécessaire les millions de joueurs qui rejoindraient la légalité. Mais la gendarme des jeux préfère de manière kafkaïenne et ubuesque dresser la (très longue) liste noire* des sites illégaux totalement illisible ! et faire appel à la délation des joueurs pour l’allonger (Voilà l’annonce qu’on trouve sur le site de l’ANJ : « Un site de jeu d'argent et de hasard vous semble illégal, signalez-le nous ».)
- Dans la logique d’une économie libérale, d’une économie de marchés qui autorise la concurrence pour offrir plus de choix au consommateur, à condition que cette concurrence soit respectée et pas organisée de manière occulte, dans le dos et sur le dos des joueurs. La légalisation des casinos en ligne va élargir le marché, créer un nouveau marché. Les casinos en dur ne vont pas mourir car rien ne remplacera jamais l’ambiance casino, les socialités et sociabilités des casinos terrestres.Sans même parler des multiples services, activités, animations… qu’on trouve dans ces établissements. L’ouverture de certains jeux en ligne à la concurrence en 2011, n’a pas conduit les casinos à la faillite. En outre de multiples synergies casinos en dur/ casinos virtuels vont se construire et les groupes casinotiers seront le mieux placés pour les exploiter. Ils pourront en outre capter une clientèle virtuelle étrangère ne fréquentant pas les casinos en dur nationaux
Au final ;
- souhaitons que cette autorisation des casinos en ligne annoncée par le gouvernement, à laquelle il a renoncé trop rapidement (mais comme nous l’avons vu une consultation a été lancée de manière véloce par Laurent SAINT MARTIN le Ministre du Budget qui veut que les acteurs concernés «abandonnent leurs postures pour déboucher sur des objectifs partagés »,(12) ) ne soit pas un one shoot tiré uniquement pour remplir la bougette de Bercy mais soit l’occasion pour l’État forcément Croupier , de mettre en place la véritable politique des jeux nationale systémique dont la France a besoin, ou les principaux acteurs (les opérateurs mais aussi et surtout les millions de joueurs unique financeurs ) deviendraient enfin peu ou prou les décideurs. Ce n’est pas à l’ANJ, à quelques addictologues & associations à la recherche de subventions ou qui souhaitent exploiter le business du jeu compulsif ; ce n’est pas à l’UNAF ou à la Fédération addiction ; ce n’est pas à la doxa du jeu pathologie maladie de diriger la politique des jeux de la France et de décider en catimini depuis Paris, directement ou indirectement, du destin de l’économie ludique et de ses différentes filières. Le processus néo probitionniste d’une politique des jeux sanitaire étant déjà largement engagé par l‘ANJ, sa Présidente et son collège. Ne nous mentons pas le danger pour tous les opérateurs il est là, non dans l’autorisation des casinos en ligne.
- souhaitons également que les parlementaires, quand ils auront à débattre de ce dossier, le fassent sérieusement et ne contentent pas de surtaxer les casinos en ligne ( pour se donner bonne conscience : parlementaires de droite, par principe idéologique : parlementaires de gauche) après s’être étripés hypocritement et symboliquement sur les bancs des deux assemblées, comme ils l’ont souvent fait historiquement en matière de jeux d’argent. Une fiscalité trop lourde n’assèchera pas le marché noir. Il faut au contraire que les joueurs (2 à 3 millions d’anciens joueurs repentis qui vont rejoindre le marché légal, des nouveaux joueurs encore plus nombreux qui n’osaient jusqu’présent pas jouer sur internet parce que c’était interdit ou par peur de se faire escroquer ) n’aient plus aucune raison de le faire sur le marché gris et aient tout intérêt à rejoindre - naturellement et avec plaisir - le marché légal. Il faut par ailleurs que les opérateurs de casinos en ligne soient réellement en concurrence et que l’ANJ - sous prétexte de réguler le marché, de préserver l’équilibre des filières - ne détruise pas peu ou prou cette concurrence. Les exemples d’ouverture du marché à l’étranger ( Suède, Espagne, Italie, Belgique) indique que si ces deux points ne sont pas traités « le marché illégal des casinos en ligne continue de prospérer en parallèle de l’offre légale « (13) En outre, la France entrant tardivement dans le marché mondial des jeux de casinos sur internet, se doit d’être attractive en la matière.
PARTIE B) Détail des nouvelles taxes et/ou de la hausse des cotisations qui seront payées par les opérateurs ludiques à partir de 2025
250 millions supplémentaires prélevés sur les jeux d’argent
«C’est certes moins que le projet initial du gouvernement, révélé par LES ECHOS début octobre, qi prévoyait de ponctionner plus de 400 millions sur les jeux d’argent et qui avait suscité une bronca des entreprises concernées. Mais sous couvert de lutte contre l’addiction cela reste un alourssidement important, d’autant que le poids en est inégalement réparti entre les acteurs »(14)
( Sébastien DUMOULIN « les Échos, 30/IO/2024 page 4)
- Un prélèvement de 15% sur les dépenses publicitaires de toutes les filières ludiques est instauré
- Le prélèvement sur le PBJ des paris sportifs en ligne augmente fortement, de 10,6 à 15%. Au total les opérateurs de paris sportifs seront désormais taxés à 60 % !
- Celui sur les opérateurs de poker en ligne ( Winamax…) passe de 0,2% sur les mises comme actuellement, à un prélèvement de 10%. sur leur PBJ .Isabelle DIJIAN déléguée générale de l’association française des jeux en ligne ( AFJEL) parle de « scénario catastrophique »
- Le Prélèvement sur le PBJ des paris hippiques en ligne flambe également ( de 6,9 à 15 %. D’où le courroux du GIE PMU et des sociétés mères France Galop, le Trot
- Celui sur le PBJ des paris hippiques PMU physique monte de 6,9 à 7,5%
- Le prélèvement sur le PBJ des paris sportifs physique de la FDJ progresse de 6, 6% à 7,6%
- En ce qui concerne les casinos terrestres : la contribution sur le PBJ des machines à sous pour la CSG passe de 7,6 à 8,1%
- Le clubs de jeu parisiens restent exemptés de cotisation sociale, le prélèvement de 10 % prévu a été annulé
- Les loteries de la FDJ ne sont pas concernées par cette hausse des prélèvements, ce que les autres opérateurs peuvent légitimement considérés comme scandaleux car accentuant la distorsion de concurrence
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